La Fondation de La Neuville-en-Hez et le passé du village

En 1982, Germain Montier organisa une conférence sur l'histoire de notre village dont le texte a ensuite été publié dans le bulletin municipal.

Préambule

Monsieur le Maire de La Neuville-en-Hez,

Mesdames, Mesdemoiselles,

Messieurs,

La présente conférence a pour titre « La Fondation de La Neuville-en-Hez et le passé du village ».

Il ne saurait être question, évidemment, d'embrasser là, en si peu de temps, l'Histoire de 800 ans. Je me bornerai donc, puisque nous fêtons la fondation de notre village, à la période allant des origines de La Neuville à la date de 1590 et je m'expliquerai plus tard sur le choix de cette date.

Introduction

Il ne pouvait exister de cadre plus approprié et plus digne pour ce qui va être dit que cet édifice, dans lequel nous nous trouvons réunis et dont, certaines parties sont contemporaines du début du village.

Qu'il me soit permis tout d'abord de rappeler que jusqu'à la Révolution, l'entretien des églises était assumé de deux façons :

  1. l'entretien du chœur et des transepts était à la charge des décimateurs, c'est-à-dire de ceux qui percevaient ce très vieil impôt appelé la Dîme ;
  2. l'entretien de la nef à la charge des manants, c'est-à-dire des habitants du village, non nobles, non ecclésiastiques, de ceux qu'à la fin du XVIIIème siècle on nomma le Tiers Etat. Moyennant quoi, ces habitants pouvaient, librement, se réunir là, pour y discuter de leurs problèmes, de leurs intérêts.

Ce mode d'entretien explique que nombre de nos églises de village ont des nerfs modestes par rapports aux chœurs de plus vastes proportions (Litz, Bresles, La Rue St Pierre, Etouy avant 1879, etc.).

Je trouve donc parfait que ce lieu, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, ce lieu, patrimoine vivant de l'ensemble de la communauté Neuvilloise, ce lieu, qui pendant 800 ans fut le cadre de l'expression des joies et douleurs de la population de tout un village, ce lieu, de réunion où, au cours de périodes difficiles, il fallut s'unir contre le poids de classes oublieuses de leurs devoirs et de l'intérêt des autres, ce lieu soit aujourd'hui le témoin de ce que l'on va évoquer.

Il est peu de villages qui puissent se vanter d'une origine aussi clairement motivée et précisée qu'elle l'est en ce qui concerne LA NEUVILLE-EN-HEZ.

Avant la fondation du village

Le village fut donc fondé en 1187, il y a 800 ans. Nous y reviendrons tout à l'heure. 1187, ceci ne veut pas dire que le site de La Neuville et de sa forêt ne fut pas habité avant le 12ème siècle, ainsi que les historiens du XIXème siècle se plaisaient à l'affirmer.

L'ouragan de février 1984, en déracinant des milliers d'arbres, a mis à jour près du Poteau de la Reine, au cœur, au cœur de la Forêt, des restes de sépultures gauloises qu'en compagnie de MM. J.C. BLANCHET, directeur des Antiquités Préhistoriques et Historiques de Picardie et WOIMANT, Archéologue départemental, nous pûmes repérer nettement.

La butte de la forêt était entourée de voies gallo-romaines dont le tracé est ocnnu et dont certains tronçons sont encore visibles.

Le cadastre conserver le nom de plusieurs camps peut-être gallo-romains :

  • le camp de la Réserve près du Mont de Hermes,
  • le camp Vésin près de Ronquerolles,
  • le camp des Cerfs près d'Agnetz,
  • le camp Mahé près du Couvent de la Garde,
  • le camp Pelot (emplacement non repéré à ce jour).

En certains endroits, le sol rejette encore de vieilles tuiles romaines et dans d'autres, en direction de Boulincourt, les trouvailles actuelles de silex et de pierres taillées deviennent tout à fait dignes d'intérêt.

Des photos de la région du Mont de Hermes, située au dessus de l'Abbaye de Froidmont, prises d'avion, montrent en bordure de forêt des alignements et des traces de circonférences au sol, qu'il serait intéressant de fouiller.

Il est incontestable que vers le 5ème ou 6ème siècle exista une verrière ou verrerie à l'endroit de la forêt portant ce nom.

Je pourrais dire aussi que des sépultures mérovingiennes existent encore dans el sol près de Ronquerolles, au ord de la forêt, mais je m'arrête, car la liste pourrait être longue…

Je résume en disant qu'une opinion s'affirme de plus en plus, selon laquelle le sommet de la butte de la forêt a pu être primitivement habité et cultivé comme le sont encore les parties de ce plateau vers le Plessys-Billebault, Auvillers, Cambronne.

La période des invasions des Vèmes VIèmes siècles en chassa les populations et la forêt conquit petit à petit le plateau. Entre temps, évidemment, l'habitat et surtout la structure géologique du terrain, sans protection aucune contre les vents soufflant de toutes directions sur ce plateau ont pu être détruits ou fondamentalement altérés.

1187 : fondation de la Neuville en Hez

Venons-en à 1187.

La Rue St Pierre existait déjà (plus exactement Courlieu et la Rue St Pierre). Litz également. L'Abbaye de Wariville avait été fondée en 1131, Froidmont en 1134, Les Verrières en 1151. Le Prieuré de St Thibault avait succédé à une chapelle St Rémi édifiée en 1066. Enfin Clermont commençait à prendre quelque importance. Boulincourt existait aussi.

Donc qu'on n'imagine pas La Neuville fondée dans une région mal connue. La forêt offrait les plaisirs et les ressources de la chasse, et peut-être, un rendez-vous de chasse existe-t-il à l'emplacement où s'édifia le premier château ? Rien n'est sûr.

Ce que l'on sait, par contre, c'est que la limite entre le Comté-Evêché du puissant évêque de Beauvais et le Comté du tout jeune seigneur de Clermont coupait la Rue St Pierre en deux, à l'emplacement de la Rue du Jardin à Butte,

  • que les rapports entre les deux comtés étaient mauvais, celui de Clermont grignotant du terrain sur ses voisins,
  • que Raoul, comte de Clermont, avait fortifié le château de Litz, village qu'il possédait en commun avec le chapitre de la cathédrale de Beauvais,
  • que ce château de Litz fut utilisé par Raoul pour menacer les intérêts des chanoines de Beauvais,
  • que les choses se gâtèrent et que le Roi Louis VII Le Jeune dût intervenir et ordonner la destruction du château de Litz en 1162 - avec interdiction de le reconstruire - .

Raoul réalisa alors que sa frontière avec le comté de Beauvais perdait avec Litz un point d'appui important entre Creil et Breteuil et il décida la construction d'un château en forêt de Hez, non loin du château de Bresles que son propriétaire, l'évêque de Beauvais, était en train de fortifier ; ce nouveau château devant être une menace pour Bresles et une défense pour Clermont.

Mais, en atteignant ce double but, il en visa un troisième : accroître les produits du domaine seigneurial, c'est-à-dire rentabiliser l'affaire. Ce qui l'amena à construire une église, vicariat de la paroisse de Courlieux, et quelques mesures qui devinrent le noyau du village (le mot masure n'ayant pas le sens qui lui est donné actuellement, om s'agissait d'un petit domaine avec maison d'habitation et jardin). Pour ce faire, il n'avait pas hésité à défricher un bois appartenant au chapitre de Beauvais et à en concéder le sol aux futurs habitants.

Ce nouveau village d'appela successivement : la Neuville-le-Comte, Neufville, Villeneuve-en-Hez, La Neuville-en-Hez.

Que veut dire HEZ ? C'est le nom de la forêt, mais c'est aussi celui d'un hameau, d'un sommet, d'un bois non loin du dolmen de Villers St-Sépulcre. C'est également le nom d'un lieu-dit et d'un marais près de Bailleul-sur-Thérain et cette région aurait très bien pu être habitée à l'époque gauloise par la peuplade des Hassi dont il est question dans l'œuvre de l'histoire Pline… Hez pourrait alors venir de Hassi.

Des avantages pour attirer les habitants…

Dès sa fondation en 1187, Raoul fit de la Neuville une prévôté et, pour y attirer des habitants, il les exempta de taille, en retenant seulement par an 2 mines d'avoine, 2 chapons et 6 deniers beauvaisiens par hôte occupant une masure entière (1 mine=0hl63).

Il réserva, comme de juste, les redevances dues aux anciens seigneurs par ces nouveaux venus, mais il les gratifia en même temps des libertés dont jouissaient les gens de Courlieu à l'égard du rouage, du forage et autres coutumes et leur donna l'usage du bois mort en forêt de Hez (rouage = droit de transport, forage = droit en argent ou en nature prélevé par tonneau de vin mis en vente au détail dans les cabarets).

Dans le même temps qu'il fondait le village de La Neuville, Raoul détachait de la circonscription de Courlieu l'ensemble de la forêt qui en faisait partie jusqu'alors.

Le comte Raoul partit en Croisade et mourut à St Jean d'Acre le 6 juillet 1191. […]

Voilà pour la fondation du village.

Sa croissance fut particulièrement rapide.

Le comte Raoul qui, en 1164 avait été fait Connétable de France, c'est-à-dire - théoriquement - chef des écuries royales (du latin : comes stabuli), mais en réalité, un des grands officiers de la couronne, avait élevé La Neuville-en-Hez au rang des sept prévôtés du Compté (avec Clermont, Creil, Sacy, Gournay, Rémy et Méry) ce qui impliquait un début d'organisation administrative autour du Prévôt.

Querelles de Clocher entre la comtesse de Clermont et le comte-évêque de Beauvais

Le premier incident sérieux eut lieu en 1212.

Nous avons vu que le Connétable Raoul était mort à la croisade en 1191. Sa fille Catherine, nouvelle Comtesse de Clermont, s'était occupée sérieusement de La Neuville. Elle avait confirmé les avantages consentis aux habitants, en avait consenti d'autres au curé, avait fondé au château une chapelle Ste Catherine pourvue d'un Chapelain, mais, surtout, elle avait considérablement fortifié le château pour tenir en échec son puissant et dangereux voisin le comte-évêque de Beauvais, Philippe de Dreux qui, lui aussi, avait transformé son château de Bresles en forteresse.

Catherine crut bien faire en détruisant ce château de Bresles, aidée de son cousin Renaud de Dammartin.

La riposte ne se fit pas attendre, le château de la Neuville fut rasé à son tour en 1212, la même année où décédait la comtesse Catherine laissant pour héritier une garçon de 12 ans, Thibault, qui devait lui-même décéder 6 ans plus tard sans descendance et victime de la lèpre (ou de la peste).

Le comté revient à la couronne royale

Philippe-Auguste traita avec les différents héritiers, usant d'une grande diplomatie qui fit que le Comté revint à la Couronne. Il existe des chartes datées de la Neuville-en-Hez en 1194, 1197, 1202 ce qui prouve l'importance du bourg, résidence officielle.


Mais cette date de 1212 est importante pour les Neuvillois que nous sommes car il est difficilement pensable qu'un jeune comte de 12 ans ait eu l'énergie et les moyens de reconstruire un château important en 2 ans, c'est-à-dire pour 1214, d'autant plus que sa mère, en s'attaquant à Philippe de Dreux et en s'unissant à Renaud de Dammartin, son cousin, s'était rangée du côté des tenants de cette coalition que Philippe-Auguste devait vaincre à Bouvines en 1214 et le jeune comte n'avait aucune aide royale à attendre.

1214, c'est l'année de naissance de St Louis que nombre de chercheurs optimistes ou partiaux ont voulu voir s'être déroulée dans notre village, dans son château rasé jusqu'au sol. Ceci en dépit de documents officiels, d'époque, attestant cette naissance à Poissy.

Quant à l'argument selon lequel Blanche de Castille serait venue rendre visite à sa cousine, la comtesse Catherine, il ne tient pas debout, puisque la dite comtesse Catherine était décédée depuis 2 ans.

Une visite à Froidmont ? L'histoire de l'abbaye n'en fait absolument pas état.

Récemment, lors d'une conférence faite à Clermont sur Robert, Comte de Clermont, 6ème fils de St Louis, je mentionnais qu'en 1299, ce Robert signait une charte par laquelle il constituait une dot à sa fille Marie, religieuse à Poissy, en ajoutant que le monastère de Poissy avait été fondé par Philippe-le-Bel, son neveu, pour honorer la mémoire de Louis IX, saint confesseur, originaire de ce lieu.

Donc, avec Philippe-Auguste, le Comté de Clermont (et la Neuville-en-Hez) était revenu dans le domaine de la couronne. Pendant une longue période, il ne devait plus être que donné en apanage à un fils puîné du roi - Apanage, c'est-à-dire que le comté devait obligatoirement retourner à la couronne dans le cas de défaut de descendance-.

Philippe-Auguste donna le comté à Philippe de Hurepel, demi-frère de Louis VIII, un fils que le roi avait eu de son épouse Agnès de Méranie. Philippe de Hurepel épousa Mahaut de Dammartin dont il n'eut qu'une fille qui mourut avant sa mère. Louis VIII et Louis IX laissèrent à la mère la jouissance du comté tout en y surveillant attentivement ce qui s'y faisait.

Entre temps, St Louis avait élevé La Neuville en Hez au rang de prévôté Royale.

C'est cette comtesse Mahaut qui, remariée avec Alphonse de Portugal, releva en 1244 les ruines du prieuré de St Thibault, à la lisière de La Rue St Pierre et de La Neuville en Hez […].

Donc, on peut penser qu'avant d'effectuer ces travaux secondaires à St Thibault, les deux comtes avaient relevé le château de La Neuville de ses ruines.

Du reste St Louis vint résider à La Neuville en 1258 et 1261. Actuellement, une charte est exposée aux Archives Nationales, elle fut octroyée en 1261, par St Louis, de son château de la Neuville en Hez.

Philippe III, le Hardi, y vint également en 1275-1277

Dès 1249, l'église qui n'avait été jusqu'alors qu'un vicariat de la Rue St Pierre, devint une paroisse. Cette modification fut confirmée par 3 bulles du pape en 1249, 1250 et 1264.

- et redevient un Comté…

St Louis mourut à la croisade en 1270, mais avant de quitter son royaume, il avait décidé de donner en apanage à son 6ème fils Robert le Comté de Clermont, c'est-à-dire :

  • le château de Clermont avec ce qui s'y rattache
  • le château de La Neuville avec ce qui s'y rattache
  • Creil
  • Sacy le Grand avec ce qui s'y rattache
  • Gournay sur Aronde
  • Méry.

Ce 6ème fils avait 14 ans, ce sont donc les officiers royaux qui gèreront le Comté à sa place.

En 1272, les habitants de La Neuville prétendaient qu'en vertu de leurs privilèges municipaux, ils étaient exempts de service militaire, ils furent déboutés par le parlement.

C'est vers cette époque que le Châtelain et le concierge du château de La Neuville recevaient chacun 2 sous de gage par jour.

Le village comptait alors 1500 habitants, environ.

Car la présence du château, la nécessité de le maintenir en état impliquaient l'existence d'un embryon de garnison. Il faut rappeler aussi que le village était entouré de toutes parts de la forêt (la partie nord de cette forêt, les Basses-Ployes, ne fut déboisée qu'au XIXème siècle) et que cette situation rendait difficiles les communications avec les villages voisins, donc utile et rentable l'existence d'artisans de toutes sortes.

On imagine mal, du reste, ce que pouvait être le village d'alors. Le chemin de grande communication était la Chaussée Brunehaut, allant de Beauvais vers Compiègne, passant par Litz, et La Neuville dût y être reliée rapidement par un chemin, venant du château et passant devant l'église, de même qu'un autre chemin dût relier le château à celui de Clermont mais en dehors de cela ce n'étaient que pistes boueuses et sableuses reliant les maisons les unes aux autres.

Les plans anciens ne montrent pas moins de 8 chemins différents pour aller de La Neuville-en-Hez vers le Nord (Litz, Etouy ou Rémérangles) au travers de la forêt.

Le tracé des rues actuelles ne vint que bien plus tard.

En 1358 éclate la Jacquerie, cette brutale insurrection d'un peuple accablé d'impôts, pillé par les routiers, méprisé par les nobles pourtant vaincus à Crécy (1346), Poitiers (1358), mais qui, cependant, continuaient de ravager les maigres récoltes des paysans , « les Jacques », pour assouvir les plaisirs de la chasse.

Brutale insurrection réprimée de façon atroce à Clermont.

La Neuville en Hez vit passer le 11 juin 1358 Charles-le-Mauvais, venant de Beauvais allant à Clermont, avec 400 lances et une trouve de 500 gentilshommes et routiers, allant vers Catenoy Nointel pour participer au massacre de 3000 « Jacques ». (Charles le Mauvais, petit fils de Louis Comte d'Evreux fils de Philippe III le Hardi, ayant épousé Jeanne de Navarre, fille de Louis X le Hutin, donc rival de Philippe II de Valois).

Nous sommes en pleine Guerre de Cent Ans.

En 1370, en forêt de Hez a lieu la rencontre entre la duchesse douairière de Bourbon, Comtesse de Clermont revenant de captivité à Londres, avec sa fille Jeanne de Bourbon, femme de Charles V. Ceux d'entre vous qui sont allés voir l'exposition de vieux documents ont pu voir une gravure reproduisant l'évènement.

En 1417, c'est le désastre d'Azincourt. Les chanoines de Gerberoy fuient devant les Anglais et se réfugient à La Neuville en Hez le 10 février 1419, ils y resteront jusqu'en 1421.

Le désordre est tel que Cornillon, capitaine du château de La Neuville, utilise les ruines du château de Hermes comme repaire pour mettre tout le pays à contribution et rançonner les passants. Charles VIII ordonna le 10 avril 1431 la destruction des ruines.

Le 30 mai 1432, le Conseil municipal de Beauvais convoque le capitaine de La Neuville en Hez et lui ordonne de ne plus venir « prendre » (c'est-à-dire piller) des vivres à Beauvais.

Début de la légende de Saint-Louis

En 1468 intervient un événement qui revêt une grande importance pour La Neuville.

Le 12 août, le duc de Bourbon, Jean II, Comte de Clermont, obtient de son beau frère le roi Louis XI (le duc de Bourbon avait épousé Jeanne de France, fille de Charles VII) une charte par laquelle le roi exemptait les habitants de La Neuville du paiement de la Taille pendant 7 ans.

Le Comte de Clermont avait fait ressortir que le village avait tellement pâti des multiples guerres et était à ce point appauvri en hommes et chevaux qu'il ne parvenait à se redresser.

Il faisait ressortir aussi qu'il avait été dit aux habitant que le roi St Louis aurait « pris naissance » au château du village.

Nous sommes en 1468, l'année de Péronne.

Qui était Jean II ? Bien que beau-frère du roi, il avait spontanément adhéré en 1464 à la Ligue du Bien Public, véritable coalition des grands seigneurs du Royaume qui visaient à détrôner Louis XI pour le remplacer par un souverain moins soucieux du bien du royaume et plus souple devant les prétentions des coalisés. La fameuse bataille de Monthléry en 1465 devait bien rétablir l'autorité de Louis XI qui, cependant restait méfiant. Donc, quand, en 1468, son beau-frère lui demande une faveur pour les habitants de La Neuville en Hez, il n'a garde de le mécontenter et il accorde cette charte d'exemption de Taille pour 7 ans, pour ce village où « Monsieur St Louis, notre prédécesseur, de glorieuse mémoire fut né et y print sa naissance, ainsi qu'il nous a été affirmé aux dits habitants de La Neuville… ». Il l'accorde en précisant bien que cette naissance de St Louis à La Neuville en Hez, c'est ce qu'on lui a dit… et aux habitants aussi. Nulle affirmation d'officiers royaux, nul écrit n'ont servi de base à cette déclaration.

En 1472, c'est le siège de Beauvais par Charles le Téméraire. Devant la résistance des beauvaisiens, les Bourguignons doivent se retirer ; des bandes viennent jusqu'à La Neuville, pillent et détruisent, notamment l'hospice St Julien (l'Hôtel Dieu).

En 1475, les habitants de La Neuville reviennent trouver Louis XI, non plus à Compiègne, mais à l'abbaye de la Victoire près de Senlis. Ils tentent de faire renouveler la charte d'exemption de Taille. Cette fois, ils n'obtiennent plus que 1 an de renouvellement. Le document est moins long, et la phrase concernant la naissance de St Louis à La Neuville ne contient plus la proposition restrictive : « ainsi qu'il nous a été affirmé aux dits habitants de La Neuville… »

A propos de ces chartes qui sont exposées en permanence à la Mairie de La Neuville, j'ai lu dans un article de journal de 1879, conservé dans un libre de manuscrits à Clermont, qu'elles avaient été trouvées dans le grenier de la Mairie de La Neuville par M. Collemant. Elles ont été présentées aux Archives Nationales qui les ont déclarées authentiques.

La commune possède donc là quelque chose de son passé datant du XVème siècle.

Il est regrettable que les sceaux ne soient pas parvenus jusqu'à nous.

Plus tard, quand Henri IV reprendra la question pour répondre à une demande des Neuvillois, c'est la 2ème charte de Louis XI sur laquelle il s'appuiera.

Il en sera de même jusqu'à la fin du XIXème siècle.

Le couvent ND de la Garde

En 1480, Pierre II de Bourbon fonde le couvent de N.D. de la Garde, près de Boulincourt.

Ceux d'entre vous qui ont visité l'exposition dans la salle des fêtes ont pu voir un grand registre de documents et lettres de cachet concernant ce couvent. Il existe peu de collections de « Lettres de Cachet » comportant autant d'exemplaires en si parfait état. On ne sait pas précisément à quelle date ce couvent fut transformé pour devenir - aussi - un lieu de détention, sans doute au milieu du 17ème siècle. Jusque là, c'est-à-dire pendant près de 200 ans, il n'avait été qu'un prieuré de Cordeliers, c'est-à-dire de Franciscains.

En réalité, c'est un gentilhomme faisant partie de la maison de Bourbon : Raoul de Falize qui, au retour de Terre Sainte, obtint à Rome, du pape Paul III, l'autorisation de fonder ce lieu de retraite. Pierre de Bourbon construisit les bâtiments, avec l'accord de Louis XI.

Le nom primitif du prieuré : St Jean de Hez devint N.D. de la Garde en 1481. Les moines s'y établirent en 1483, le jour de l'Epiphanie et la chapelle ne fut consacrée qu'en 1488.

Au milieu du XVIIème siècle, donc, ce modeste couvent reçoit aussi des pensionnaires envoyés sur lettres de cachet. Aucune comparaison possible entre la Bastille, Vincennes, l'Ile Ste Marguerite et la Garde. Ainsi que je l'écrivais dans la notice descriptive relative au registre exposé, tout le monde vivait et mangeait ensemble la même nourriture et si certains pensionnaires étaient punis parfois pour ivresse, ce n'était pas l'eau du ruisseau de la Garde qui entrait en ligne de compte. Chacun se promenait librement en forêt, à Boulincourt ou Clermont - et cela dura jusqu'à la Révolution.

C'est en raison de cette semi-liberté que je n'ai pas employé le mot de « prisonnier ».

Profession

En 1515, deux tuiliers reçoivent l'autorisation de s'installer à la Neuville en Hez, sur des terrains proches du château et moyennant une redevance annuelle de 16 000 tuiles. La fabrication était rudimentaire, l'argile extraite au fond de trous à ciel ouvert taillés dans la butte et que l'on distingue encore nettement aujourd'hui. Les fours de cuisson n'étaient qu'une superposition de plusieurs étages de briques qu'un feu violent, alimenté par le bois pris dans la forêt, entretenait à température voulue.

Ces tuileries qui occupaient peu de monde nous amènent à nous poser la question : De quoi vivaient nos ancêtres neuvillois ?

Evidemment, la proximité de la forêt facilitait les métiers du bois : charpentiers, lattiers, scieurs en long, mais aussi galochiers, sabotiers, des menuisiers fabriquant aussi bien des meubles simples que des couverts, des écuelles, des instruments aratoires primitifs…

Des maçons pour faire ce torchis, matériau de chois, pour boucher les colombages ou isoler les habitations.

Des tisserands, des tanneurs, des tailleurs d'habits. Et puis, inévitablement, quelques rares laboureurs - rares, car la surface cultivable était réduite - .

Mais surtout pendant des siècles, nos ancêtres furent occupés aux linières de Bulles qui s'étendaient depuis Bulles jusqu'à Etouy ? Depuis le 12ème jusqu'au 17ème siècle, on se contenta de cultiver ce lin dont la qualité était exceptionnelle en raison de la nature du sol.

Nous savons, par différents mémoires, que dès 1181, des procès eurent lieu au sujet de pâtures concédées aux habitants pour que ces derniers y élèvent une quantité suffisante de bestiaux pour produire tout l'engrais nécessaire à l'amendement des linières.

La totalité du lin récolté là était exportés vers la Hollande, vers Cambrai pour qu'y soient tissés les célèbres toiles fines de Hollande.

Plus tard, on s'équipa chez nous pour tisser sur place. Ce métier (mulquinier ou murquinier) était très malsain car le métier à tisser devait être installé dans une cave aérée mais sans lumière, généralement ces secondes caves communiquaient avec la cave principale avec laquelle s'établissait un courant d'air, mais n'en recevaient pas de lumière.

C'est une des explications de la présence constatée souvent de caves oubliées et se trouvant en dehors des sous-sols des maisons actuelles. Une autre explication, c'est tout bonnement, que le village ne suivait pas au moyen-âge le plan actuel.

Les guerres de Religion

Nous abordons maintenant une autre période désastreuse de notre histoire : les guerres de Religion.

Il n'est évidemment pas question ici d'évoquer tous les tenants et aboutissants de cette querelle religieuse entre partisans de l'église réformée et partisans de l'église catholique.

Qu'il suffise d'affirmer que cette querelle avec l'influence des étrangers que chaque parti appelait à la rescousse : l'Espagne pour les catholiques et les Guises, les Princes Allemands et, en sous-main l'Angleterre pour les protestants, risqua de dépasser les limites d'une guerre civile pour atteindre celles d'une guerre proprement dite.

Je rappelle quelques dates importantes :

  • le supplice d'Anne Dubourg 1559
  • conjuration d'Amboise 1560
  • colloque de Poissy 1561
  • massacre de Wassy 1562
  • la St Barthélémy 1572
  • l'assassinat du Duc de Guise 1588
  • la Ligue
  • l'assassinat d'Henri III 1589


Dans le Beauvaisis, la situation était la suivante : Beauvais est un des plus importants fiefs de la Ligue, c'est-à-dire du parti catholique, comme Bresles, bien entendu. Beauvais fut la dernière ville de France à se rendre à Henry IV, en 1596, alors que Paris lui avait ouvert ses portes dès 1594.

Si Clermont eut le temple protestant, le 2ème de France en importance, la ville fut parfois aussi aux mains des Ligueurs. Par contre Mouy était un solide fief protestant, comme Warty (actuellement Fitz-James) et comme Merlemont, près de Bailleul/Thérain.

Le Neuville en Hez se trouvait donc au milieu des deux camps et les rencontres entre les antagonistes, en forêt, n'avaient rien à voir avec des promenades mycologiques.

Certaines caves du village - et je ne les connais pas toutes - ont les caractéristiques de lieux de célébrations de cultes clandestins, avec des possibilités de communications d'un quartier à l'autre par un réseau de souterrains à peine connus, car à La Neuville, comme dans toute la région, il fallut bien s'organiser, assurer des mesures de défense, de fuite, de ravitaillement.

Il faut tout de même penser que ces guerres de religion ont duré près de 40 ans et qu'en 1581 on dénombrait déjà, dans le diocèse de Beauvais 9113 tués au 30 Décembre 1580 :

  • 121 gentilshommes catholiques
  • 93 gentilshommes protestants
  • 5200 soldats catholiques
  • 4440 soldats protestants
  • 44 chanoines, curés, prêtres, jacobins, cordeliers…

Le château de La Neuville était pour chacun des deux partis un point important.

En 1572 Charles IX voulut en donner l'usufruit à sa maîtresse Marie Touchet. Le parlement s'y oppose.

En 1589 Clermont est à ce moment aux mains du parti de la Ligue et refuse le passage à Henry IV qui vient occuper le château de La Neuville.

En 1590 les ligueurs viennent de Beauvais prendre le Château de Bresles et pendant ce temps une autre garnison s'empare de celui de La Neuville.

Quelques temps après, Henry IV le reprend, le pille et le brûle. Henry IV reste six jours à la Neuville et s'en va ensuite gîter à Bresles.

Le château de La Neuville, brûlé, ne sera jamais remis en état.

Fin de la prospérité

En ce qui concerne la Forêt de la Neuville, un coup du sort l'avait frappée en 1569. Jusqu'au XIVème siècle, elle avait été administrée par le Châtelain de La Neuville. Il avait sous ses ordres un forestier à cheval, 4 gardes ou sergent et un sergent préposé à la destruction des lapins (l'Histoire ne dit pas si l'on utilisait déjà les collets !).

A partir de 1384, il y eut à La Neuville un verdier dépendant de la Verderie de l'Evêché Comté de Beauvais et 4 sergents.

Le Verdier tenait séance de justice chaque dimanche matin devant la porte de l'église de La Neuville en Hez. Les condamnés mécontents pouvaient faire appel devant le bailli de Clermont. C'est sans doute à ces coutumes qu'il faut rattacher l'appellation d'un chemin de la forêt : « Chemin des Plaideurs ».


Germain Montier, 1982





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